Fabie : Comment est né le personnage du lieutenant Cruz ?
Sylvie Magras-Hautmont :
J'ai voulu m'essayer dans l'univers du roman policier sans penser que je ferai une série. Souvent, le polar sonne masculin mais je pense que les femmes apportent une touche supplémentaire en y intégrant autre chose, car elles ont un regard plus axé dans les sentiments qui relient les personnages. Je me suis décidée à créer le personnage principal en imaginant un officier de gendarmerie d'une cinquantaine d'années, veuf, à l'air très froid accentué par son uniforme. Il est très minutieux, très droit, ira jusqu'au bout pour élucider les enquêtes. Au fil de celles-ci, on découvrira un homme différent, attaché à son équipe, un homme très humain finalement. Même quand il se trouve dans un contexte dramatique, il devient attachant. Je m'y suis tellement attachée moi-même, que lorsque je suis arrivée à la fin du premier livre, il était difficile de me dire que c'était la fin, difficile de quitter cette équipe, d'où l'idée d'imaginer une série, pour pouvoir les retrouver.
Fabie : De quoi t'inspires-tu pour écrire tes polars ?
Sylvie Magras-Hautmont : La première chose que je fais c'est d'éplucher les faits divers en France ou à l'étranger. Puis ensuite, je fais le pari de construire une intrigue rigoureuse en déviant tous ces crimes vers une autre histoire, vers une intrigue rigoureuse tout en menant le suspense jusqu'à la fin. La difficulté dès le départ est d'inventer la solution en même temps que le mystère. Il faut absolument réussir à trouver l'histoire qui permettra la découverte du coupable dans les pages du dernier chapitre. C'est donc toute une construction : le ou les crimes, le mobile, brouiller les pistes (ça j'adore), les indices, les preuves, la narration de l'histoire et le mystère.
Fabie : Comment es-tu venue à l'écriture ?
Sylvie Magras-Hautmont : Toute petite, j'étais passionnée par la lecture, toutes catégories confondues. J'ai commencé par les livres de science fiction, les livres policiers, les romans. Chemin faisant, j'ai découvert la grande littérature française, principalement Emile Zola, qui reste mon référent en matière d'écriture, avec ce point du détail. Jamais je ne pensais écrire un jour, c'est pour les autres, j'ai toujours pensé, je ne suis pas une grande littéraire, et puis l'idée me trottait, tenter l'aventure en commençant par "Les beaux souvenirs ne meurent jamais", souvenirs vécus, mais aussi romancés, imaginés autour de la maladie d'Alzheimer. Certes, je n'arrive pas à la cheville de Zola, mais j'ai décidé de tenter l'aventure...Je ne regrette absolument pas et je mets d'ailleurs à contribution cette passion auprès des personnes âgées où j'écris avec elles au cours d'ateliers d'écritures. D'ailleurs, une comédie loufoque vient tout juste d'être publiée.
Fabie : Sans parler de l'histoire en elle-même, dans "L'ange de la mort" on évoque la complexité des relations entre soeurs. Est-ce aussi complexe que les relations mères-filles ?
Sylvie Magras-Hautmont : Difficile de pouvoir expliquer sans déceler l'essentiel de ce livre, cette complexité justement entre les deux soeurs. J'ai voulu monter une enquête à l'envers, où le meurtrier se suicie sur son lieu de travail, la découverte de son journal à son domicile où le nom d'une première victime apparaît et quelques indices seulement pour découvrir les autres, car il y a d'autres victimes. Pour l'équipe du lieutenant Cruz, cette enquête sort de l'ordinaire. J'ai surtout voulu parler de problèmes qui pourraient sensibiliser le lecteur en parlant de l'euthanasie, des soins palliatifs, de la psychiatrie. Dire que les relations entre soeurs sont aussi complexes que les relations mères-filles, je n'irai pas jusque-là. Dans "l'ange de la mort", l'une adore sa soeur, l'adule jusqu'à vouloir lui ressembler à tout prix. Je n'en dirai pas plus, car je risque de dévoiler la clé de l'énigme. Ce que je peux dire, de façon générale, les soeurs vivant ensemble ont appris à devenir elles-mêmes et savent qu'elles sont différentes l'une de l'autre. Dans certaines familles, certaines s'adorent, d'autres peuvent se détester. Des relations qui vont de l'indifférence à la passion. Par contre, entre mère et fille, ce qui peut se passer, c'est que la mère peut projeter ses rêves sur sa fille tout en souhaitant qu'elle s'affirme en grandissant. Difficile aussi parfois de couper le cordon.
Fabie : Peux-tu nous parler du dernier polar qui vient de sortir ?
Sylvie Magras-Hautmont : Quand on lit "L'ange de la mort", dans les dernières pages l'enquête est bouclée mais d'autres arrivent ou sont en attente. J'ai décidé de laisser à la fin de chaque livre maintenant deux pages qui amènent sur le livre suivant. Donc, en lisant ces deux pages, on assiste à l'enlèvement d'un officier de gendarmerie dans le parking situé non loin de la brigade d'Avignon. Puis d'autres meurtres vont avoir lieu qui semblent avoir un lien avec l'enlèvement de cet officier au vu des messages laissés près des corps. La brigade de gendarmerie se retrouvera renforcée de deux nouveaux personnages venus d'autres régions et d'un brigadier qui était auparavant à l'accueil et qui viendra rejoindre également le lieutenant Cruz. Le personnage du procureur de la république sera développé lui aussi. Beaucoup de suspense dans ce livre intitulé "La nuit du Talion."
Entretien réalisé Mercredi 28 Janvier 2015.